Carl Rogers : mon maître à penser en tant que prof des écoles et psy

Carl Rogers : mon maître à penser en tant que prof des écoles et psy – ce méconnu qui devrait être plus populaire que notre cher Sigmund

Je me souviens encore de ma première rencontre avec les idées de Carl Rogers. J’étais en formation pour devenir prof des écoles au CFP de Toulouse. 

Dans le livre Freedom to Learn (1969), j’ai découvert des idées qui continuent de nourrir mon inspiration et de bouleverser ma réflexion aujourd’hui.

C’était une révélation : et si j’appliquais sa fameuse posture d’écoute active et d’empathie dans ma salle de classe ? Et pour mettre l’enfant au centre des apprentissages, la co-construction dans la pédagogie active est idéale ! 

En m’inspirant de ses préconisations, j’ai commencé à voir chaque élève comme un individu unique avec des besoins propres. Vous connaissez sûrement, ces moments où un enfant, les yeux baissés, murmure des choses qui semblent anodines mais révèlent un univers entier… Et si, au lieu de jouer les super-héros-détenteurs-de-vérités, nous étions plutôt des accompagnateurs bienveillants, respectueux de leur cheminement ? Bref, Rogers a planté une petite graine dans mon esprit d’enseignante.

Des années plus tard, reconvertie en psychologue et neuropsychologue, j’ai eu un choc (le bon genre de choc) : la posture rogérienne était tout aussi pertinente en consultation qu’en classe. Une évidence, vous dites ? Peut-être, mais combien d’enseignants ou de psy sont vraiment formés à ses approches ? Combien connaissent Rogers autrement que comme un vague nom dans un manuel de psycho, coincé entre Freud et Skinner ?

Je me souviens encore de ce cours où l’enseignante évoquait son nom en cours à l’INETOP, pour nous expliquer comment accueillir un patient ou une patiente avec sa souffrance, ses bagages et sa honte…

J’ai compris que j’étais là aussi à ma place ! Rogers et moi allions encore faire un bour de chemin ensemble! 

Qui était Carl Rogers ?

Carl Rogers (1902-1987) était un psychologue américain, souvent considéré comme l’un des pères de la psychologie humaniste. Contrairement à Freud, qui s’intéressait principalement à l’inconscient et aux conflits intérieurs (sans oublier son obsession douteuse pour les relations parentales…), Rogers a mis l’accent sur la personne, ici et maintenant. Il croyait en la capacité intrinsèque des individus à trouver leurs propres solutions lorsqu’ils sont soutenus par un environnement sécurisant et respectueux.

Ses concepts clés ? L’écoute empathique, le regard positif inconditionnel et l’authenticité. 

En gros, traiter les gens comme des êtres humains complets et valables, et non comme des énigmes à résoudre ou des cas à traiter. 

Une idée révolutionnaire … même aujourd’hui.

Rogers en classe : un super pouvoir à (re)découvrir

En tant qu’enseignante, j’ai rapidement vu combien les principes de Rogers pouvaient transformer les interactions avec les élèves. L’écoute active, par exemple, ne se limite pas à hocher la tête avec un sourire compatissant. Il s’agit d’être pleinement présent, de reformuler pour vérifier qu’on a compris et surtout, de créer un espace où l’enfant sent qu’il ou elle peut s’exprimer sans crainte d’être jugé.e.

Imaginez un enfant qui a du mal à apprendre à lire. 

Plutôt que de lui asséner des « tu dois faire plus d’efforts », que se passe-t-il si on lui dit : « Je vois que c’est difficile pour toi. Peux-tu m’en dire plus ? » 

Parfois, la simple reconnaissance de la difficulté ouvre des portes insoupçonnées. 

C’est là toute la puissance du regard positif inconditionnel : poser un regard bienveillant qui ne dépend pas des performances de l’enfant.

Et oui, ça demande de la patience, mais la récompense est énorme. 

Rogers disait lui-même : « L’étrange paradoxe, c’est que lorsque je m’accepte tel que je suis, alors je peux changer. » 

J’ai vu des élèves, jusque-là bloqués par leur peur de l’échec, s’épanouir parce qu’ils sentaient qu’ils avaient le droit de ne pas être parfaits.

Rogers en consultation : une révolution douce

Dans mon cabinet de psychologue, l’approche rogérienne a pris tout son sens. 

Ici encore, l’idée est de créer un espace sûr où le consultant (je préfère ce terme à « patient » ou “client”) peut explorer ses difficultés sans pression ni jugement. 

Les neurosciences ont d’ailleurs confirmé ce que Rogers avait intuitivement compris : l’état de sécurité psycho-émotionnelle est un prérequis indispensable pour le changement. 

Quand le système limbique (le centre émotionnel du cerveau) est apaisé, le cortex préfrontal (responsable de la réflexion et de la prise de décision) peut enfin faire son travail.

Et pourtant, en 2024, Rogers reste largement sous-enseigné, surtout comparé à Freud. 

Pourquoi ? Peut-être parce que son approche paraît trop « simple ». Mais ne vous y trompez pas : être vraiment empathique, authentique et non-jugeant est tout sauf facile. 

Ça demande un travail constant sur soi, une véritable rigueur éthique et, soyons honnêtes, une bonne dose d’humilité.

Pourquoi Rogers devrait être plus célèbre que Freud

Freud a évidemment apporté beaucoup à la psychologie, mais son approche est souvent perçue comme analytique et distante. 

Rogers, lui, remet l’humain au centre, avec une approche accessible et applicable dans une multitude de contextes : école, famille, thérapie… 

Alors, pourquoi n’est-il pas plus connu ? Peut-être parce qu’il ne vend pas du mystère, mais du bon sens. Et avouons-le, ça fait moins de bruit.

En tant que prof, parent ou psy, nous avons tous à gagner à redécouvrir Carl Rogers. 

Parce qu’à la fin de la journée, ce que les élèves, les enfants ou les consultants retiennent, ce n’est pas notre savoir encyclopédique ou nos solutions toutes faites. 

C’est notre capacité à les voir, à les entendre et à leur montrer qu’ils comptent, qu’ils ont de la valeur. Et ça, ça change tout. Parce que ça améliore l’estime de soi… 

Alors, chers enseignants, parents et professionnels curieux, osez lire ou relire les écrits de Carl Rogers. 

Vous ne le regretterez pas… et vos élèves, enfants ou consultants non plus !

Les grands principes rogériens :

  • Respect de la personne : Chaque apprenant est unique, et l’enseignant adopte une attitude bienveillante sans jugement. (avec une pensée particulière pour un livre que j’avais dévoré à ce moment-là aussi “Le bébé est une personne” de Bernard Martino)
  • Écoute empathique : L’enseignant écoute activement et valorise les émotions et perspectives des élèves.
  • Authenticité de l’enseignant : L’enseignant reste lui-même, partageant des expériences personnelles pour instaurer la confiance.
  • Responsabilisation de l’apprenant : Les élèves participent activement à la définition de leurs objectifs d’apprentissage.
  • Environnement sécurisant et stimulant : Création d’un cadre où l’exploration et l’expérimentation sont encouragées sans crainte de jugement.
  • Apprentissage centré sur l’expérience : Importance des expériences concrètes pour un apprentissage significatif (pour que l’élève soit “au centre des apprentissages”, ce qui était préconisé dans les BO de l’époque)
  • Motivation intrinsèque : Favoriser l’apprentissage par la curiosité et les intérêts personnels des élèves.
  • Adaptabilité et flexibilité : L’enseignement s’ajuste aux besoins évolutifs des apprenants, basé sur des retours réguliers.

Bibliographie : 

« On Becoming a Person » (1961)

Ce livre est l’un des plus célèbres de Carl Rogers. Il explore sa vision de la psychologie humaniste et de la thérapie centrée sur la personne, en mettant l’accent sur la relation thérapeutique et le développement personnel.

Il présente la vision de Rogers sur la psychologie humaniste et l’importance de la relation thérapeutique. Rogers y discute de l’auto-actualisation et de l’importance de l’authenticité dans le processus thérapeutique.

« A Way of Being » (1980)

Ce livre est effectivement une réflexion de Rogers sur son approche centrée sur la personne, en particulier dans des contextes professionnels divers tels que la thérapie, l’éducation et la gestion.

Rogers approfondit sa philosophie centrée sur la personne et examine comment cette approche peut être appliquée dans des contextes variés comme la thérapie, l’éducation et la gestion. Il y réfléchit également sur sa propre évolution en tant que psychologue et personne.

« Freedom to Learn » (1969)

Rogers aborde l’éducation et l’application de son approche humaniste dans l’apprentissage.

Il applique ses idées sur l’approche centrée sur la personne à l’éducation, prônant une approche où l’apprenant est au centre du processus éducatif. Il insiste sur l’importance de créer un environnement d’apprentissage ouvert, respectueux et non-autoritaire.

« The Carl Rogers Reader » (1989)

Ce livre est une compilation éditée par Howard Kirschenbaum et Valerie Land Henderson, qui regroupe des écrits essentiels de Rogers, incluant des chapitres et des articles importants.

Il présente des extraits significatifs des écrits de Rogers, offrant une vue d’ensemble de sa pensée et de ses contributions à la psychologie humaniste, avec des articles sur la thérapie centrée sur le client, l’éducation et des réflexions sur la nature de l’être humain.

« The Foundations of the Person-Centered Approach » (1977)

Dans cet ouvrage, Rogers expose les fondements de l’approche centrée sur la personne, en détaillant ses principaux principes : l’écoute empathique, le regard positif inconditionnel, la congruence et l’authenticité du thérapeute. Il décrit également les implications de ces principes dans le domaine de la psychologie.

« Dialogues with Carl Rogers » (1989)

Ce livre est une compilation de dialogues entre Carl Rogers et d’autres psychologues et professionnels, publié après sa mort.

Elle permet d’obtenir un aperçu de sa pensée tout en montrant l’application de ses idées dans des discussions concrètes sur la pratique thérapeutique et la psychologie.

Brown, B. (2010). The Gifts of Imperfection, discute de l’importance de la vulnérabilité et de l’authenticité.

Doidge, N. (2007). The Brain That Changes Itself, aborde la plasticité cérébrale et son importance dans l’apprentissage.

Goleman, D. (1995). Emotional Intelligence. Ce livre explore le lien entre l’intelligence émotionnelle et l’apprentissage.

LeDoux, J. (1996). The Emotional Brain. Ce livre examine les bases neuronales de l’apprentissage émotionnel.


Ryan, R. M., & Deci, E. L. (2000). Intrinsic Motivation and Self-Determination in Human Behavior. C’est la référence clé sur la motivation intrinsèque.

Ryan, R. M., & Deci, E. L. (2000). Self-Determination Theory: Basic Psychological Needs in Motivation and Personality, traite de la motivation intrinsèque.

Siegel, D. J. (2012). The Developing Mind, aborde l’importance de la sécurité émotionnelle pour l’apprentissage.

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